Cette année, "Monsieur Quint" est revenu à Sablet pour la dix-huitième fois consécutive, trouvant son épicentre, et la cuvée de son été 2021 : "Canopée", du domaine Verquière, création de Thibaut Chamfort...
Michel Quint
Sa prochaine parution :
Après l'éternité (Auzou)
Si d'aventure vous vous arrêtez à Sablet les quelques heures précédant le dernier week-end de juillet, et que, obligatoirement, vous prenez un café matinal sur la terrasse du Café des Sports, alors que l'on s'active pour monter des chapiteaux à vos pieds sur la place de l'aire de la Croix, vous remarquerez la présence remarquablement taiseuse et discrète d'un lecteur de "L'Équipe" et de "la Provence", sous un chapeau de paille, ou bien crâne tout en fierté, derrière un dernier rempart de lunettes de soleil. Approchez-le timidement : c'est un membre éminent du cartel littéraire local, dans les mains de redoutables parrains. Les autres silhouettes dominantes des journées du livre de Sablet se nommant : Jean Ripert, René Frégni, Jean-François Kahn, Franz-Olivier Giesbert. Et "Monsieur Quint" ne peut être décemment ici dérangé à cette heure que par Bruno, le patron du bistrot, tout simplement son copain. Mais d'un sourire, amadouez-le : en fait, l'ours en apparence reste un être tendre et amoureux de ce village du Vaucluse, adossé aux Dentelles de Montmirail, vertigineuse et découpée barrière de calcaire dominant de prestigieux vignobles : Beaumes de Venise, Vacqueyras, Gigondas, Sablet, Séguret, Rasteau... En amour pour Sablet, et ses journées du livre, mais laissons le maître résumer, d'un billet de délicatesse, sa correspondance avec ce lieu d'esprit, et de goût...
"Canopée" et le baiser de Magali par Michel Quint
Salon du livre de Sablet. On croit que c’est littéraire mais ce sont les vignerons du village qui soutiennent l’événement. Dégustation de côtes du Rhône entre deux chapitres et deux dédicaces. Dont celle de "Canopée", du rouge récolte 2018. Par Thibaut Chamfort du domaine de Verquière. Les spécialistes diront que ce vin a un côté minéral, un goût de bois et de fruit, de couverture forestière. Moi ce que je retiens c’est qu’il est élevé dans des amphores de 800 litres en terre cuite de Toscane. Des sortes de dolia antiques. Qu’on attire l’Italie en Provence et la Rome d’autrefois aujourd’hui. Même j’ai eu l’impression de participer au festin de Trimalcion, ce nouveau riche du Satyricon, négociant en vin, dont l’épouse dans la version filmée par Fellini est interprétée par Magali Noël, si charnelle dans sa robe filet . Le temps d’un battement de paupières, d’une lichée de cette Canopée avalée zyeux fermés, j’ai essuyé mes lèvres au dos de ma main et je suis sûr que la trace rouge sur ma peau était celle du baiser de Magali.
Michel Quint
Le "nez" de Onzième Sens
Ces quelques mots de Michel. Derrière la pudeur, la beauté. On attend un ogre, et voici un ange. Un ange divinement chauve, certes (ça existe, Michel en représente magnifiquement la preuve vivante), puits de vraie culture laissant aux autres le vernis, inlassable écrivain, et irréprochable copain de salons littéraires. On se souvient d'une soirée de "cultureux" au salon du livre de Saint-Étienne en octobre 2007, au musée d'art contemporain, lorsque "Monsieur Quint", ayant spécialement passé commande d'un écran géant dans le hall du musée pour suivre la finale de la Coupe du Monde de rugby (on ne lui refuse rien), s'est (très rapidement) esquivé de la visite privée, pour s'installer avec un pote devant une quintessence de rugby viril et singulièrement peu aimable délivré sauvagement par l'équipe des Springboks. Mais voilà, on a adoré ce moment rare, à deux, dans le grand hall du musée, avec un verre de saint-joseph. Notre transgression à nous, communiant dans un bonheur simple, savourant la défaite du XV anglais, notre juste et partagée détestation. On a certainement raté des oeuvres formidables ce soir-là. Mais on a préféré celles peu raffinées de l'attelage Matfield-Botha. C'est aussi pour ça qu'on aime tant Michel, d'une exemplaire fidélité pour les salons qu'il court, comme celui des journées du livre de Sablet. "Je suis le plus assidu" martèle-t-il. Dix-huit années de rang, si l'on fait exception de l'édition 2020 annulée en raison de la pandémie.
Sous l'oeil de Pierre Défendini...
À Sablet, d'ailleurs, "Monsieur Quint" devient "Le Président Quint". Il a bien entendu présidé le salon, il distribue les prix, juge les millésimes, anime les tables d'honneur, et se fait volontiers conteur des moments épiques des "journées" : les égarements de Thierry Roland avec une libraire voisine, dans la salle du fond du Café des Sports, comme les mésaventures nocturnes de Pierre Hanot, se repliant pour sa fin de nuit dans une camionnette, son logeur l'ayant attendu en vain jusqu'à 03h00 du matin... Ici, à Sablet, avec Brigitte son épouse, ils sont plus que citoyens d'honneur, ils sont simplement Sablétains, sous la protection des fées du village : dont Sylvie Laffont, Françoise Cavalière, Marie Chamfort..., et celle de son ami lillois expatrié Simon Berdugo.
Michel se conjugue avec fidélité, pour Brigitte, pour ses amis, pour Sablet, son "point fixe", son admirable jardin. C'est aussi une inclinaison de douce raison : la lumière de Provence, le Café des Sports, et les vins de Sablet. Puisqu'en digne épicurien, Michel aime le vin, et les bons vins, il ne s'est pas trompé en choisissant Sablet pour centre du monde, où la cave coopérative réunit une cinquantaine de viticulteurs, et où l'appellation Sablet sur des sols sablonneux et d'argiles rouges décalcifiées propose 300 hectares de vignes consacrées au mourvèdre, au cinsault, au grenache et bien entendu à la syrah. On parle ici presque exclusivement de vins rouges, mais une nouvelle génération de viticulteurs a développé des assemblages de clairette, roussanne, marsanne, viognier et bourboulenc. On suspecte que "le Président Quint" préfère le rouge (en bon Ch'ti, il ne déteste pas la bière non plus, comme on a pu l'observer à la Braderie de Lille...). Pour Onzième Sens, il a cette année soupiré pour la cuvée "Canopée" du Domaine de Verquière, fifty grenache, fifty mourvèdre (pas de jaloux) récolté sur des éboulis calcaires. On espère d'ailleurs que les côteaux élevés ont moins souffert que les vignes de la plaine où avril 2021 a signifié désastre de gel. L'élevage en amphores de terre cuite de Toscane - celles qui ont inspiré Michel - délivre limpidité, épices, et généreuse ampleur. Voici donc "Canopée", comme un baiser de Magali Noël, façonné par Thibaut Chamfort, représentant de la nouvelle génération des viticulteurs de Sablet (à propos de cette formidable génération sablétaine, on découvrira bientôt dans Onzième Sens les vins de Cheli et Jerôme Busato, ceux de Château Cohola).
Parce que on a oublié de vous l'écrire (mais Michel l'a fait pour nous), les journées du livre de Sablet sont organisées aussi par les viticulteurs, qui ouvrent leurs maisons aux auteurs, liant ainsi d'infaillibles amitiés. Ce parfait mariage du vin et des écrivains ne pouvait échapper à Onzième Sens, et combien nous avons été comblés de confier notre ambassade à Michel Quint, qui poursuit son oeuvre, peaufinant ses textes d'orfèvre, on ne sait où d'ailleurs, c'est un secret tant l'écrivain est itinérant. On le sait revenu en Provence, toujours en cette fin d'été lumineux, dans l'attente de sa... cinquante-septième publication (ne nous en veut pas Michel si on s'est trompé d'une unité...), "Après l'éternité", son roman de rentrée littéraire chez Auzou (parution 1er octobre), la suite des amours de Jules et Livie, jeune héroïne romaine, qui ressemble tant à sa ville, si chère au coeur de Michel, qui y a usé ses dernières semelles de passion mémorielle, et que deux romans ne suffiront pas à raconter les fantômes, et la grâce. On a hâte de déboucher une bouteille de "Canopée", ensemble, avec Brigitte, pour fêter Livie, Jules, cette jeunesse de sentiments cruels, et célébrer Sablet, fouetté d'un vif mistral en cette mi-août. Vivement aussi octobre, "Après l'éternité", puisque Michel n'est pas seulement l'homme de l'été, dévorant toutes les saisons, à Sablet, et partout ailleurs.
Domaine de Verquière
45, rue Georges Bonnefoy 84110 Sablet
0490469011
chamfort@domaine-de-verquiere.com
Les filles et les garçons... On a compris : Thibaut Chamfort est beau gosse (ça en est pénible), mais svp appelez seulement pour vous informer de la date d'une prochaine dégustation, histoire aussi de découvrir l'un des plus ravissants villages du Vaucluse, et les autres crus du domaine, comme ce doux équilibre proposé par le Côte du Rhône Villages Sablet blanc (50 % grenache blanc, clairette 20%, bourboulenc 15%, roussanne 15%), d'une vraie concentration de fruits blancs et d'une providentielle fraîcheur...
Remerciements à Françoise et Jean-Claude Cavalière pour les photos de Michel à Sablet, et à Marie Chamfort dont l'aide a été si précieuse...
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